Dans le paysage en constante évolution de la diversité et de l’inclusion au travail, la conversation sur la neurodiversité reçoit de plus en plus d’attention. Parmi les neurotypes discutés, la bipolarité reste souvent sous-exposée, bien que 2% de la population soit bipolaire et malgré les perspectives uniques et la richesse des forces qu’ils apportent à l’environnement professionnel. Et qui compensent largement les risques éventuellement perçus.
Comprendre la bipolarité
Du point de vue de la neurodiversité, nous ne considérons pas la bipolarité comme un trouble, mais comme une variation naturelle du cerveau, une autre manière de penser ou une autre façon de percevoir le monde et d’interagir avec lui. Selon l’individu, il peut y avoir des défis liés aux fluctuations de l’humeur, de l’énergie et des niveaux d’activité. Ces fluctuations peuvent aller de périodes d’humeur intense et élevée (hypomanie ou manie) à des épisodes de dépression profonde. Cela peut également affecter leurs fonctions cognitives, telles que l’attention, la mémoire et l’apprentissage.
Des personnalités éminentes telles que Vincent van Gogh, Russel Brand, Stephen Fry, Mel Gibson, Frida Kahlo, Gustav Mahler, Edgar Allan Poe, Amy Winehouse et Ted Turner témoignent des contributions extraordinaires des personnes atteintes de bipolarité dans divers domaines.
Forces au travail des collaborateurs atteints de bipolarité
Beaucoup de personnes atteintes de bipolarité présentent :
- Une persévérance accrue. Cela permet aux individus de persister face aux difficultés sur leur chemin vers le succès.
- Une grande conscience de soi émotionnelle et une intelligence émotionnelle élevée. Ce sont des forces précieuses pour établir de solides relations professionnelles et connexions. Ils anticipent les besoins et désirs des collègues, membres d’équipe et clients et font preuve d’empathie à leur égard, ce qui en fait d’excellents leaders. Cela les rend également plus conscients des frictions et des changements à venir.
- Ils voient les motifs et pensent en catégories larges, ce qui en fait d’excellents penseurs disruptifs (‘breakthrough thinkers’) dans l’équipe.
- Ils peuvent avoir des périodes de flow, ce qui les rend très productifs, et peuvent aussi penser rapidement, de manière créative et out-of-the-box. Cela résulte en innovation, optimisation, rupture du statu quo et solutions à des problèmes complexes.
- Ils peuvent être très passionnés par certains sujets. Leur énergie et enthousiasme peuvent être contagieux pour les collègues, faisant d’eux des leaders inspirants et très capables de présenter leurs idées, de convaincre les autres et de créer un consensus.
Défis et comment les surmonter
Bien que les individus atteints de bipolarité aient un potentiel immense, ils peuvent être confrontés à des défis sur le lieu de travail et le marché de l’emploi, tels que :
- Chômage plus élevé : les stigmates et la discrimination entraînent des difficultés à obtenir et conserver un emploi. Ne vous focalisez pas trop sur le risque. Considérez aussi les avantages et l’apport culturel (‘cultural add’) de l’embauche de cette personne.
- Difficultés à gérer le stress ou à faire face aux changements inattendus au travail, pouvant être exacerbées par les délais et les lourdes charges de travail. Offrir de l’autonomie, de la liberté et de la routine peut aider à gérer les niveaux de stress.
- Fonctions exécutives comme la gestion du temps, l’organisation et la planification, la concentration, la définition de limites et la mémoire de travail. Une formation en soft skills ou offrir un soutien aux collaborateurs confrontés à ces défis peut aider, mais ne vous y focalisez pas trop. Il est préférable de créer un poste qui leur permet de mettre en œuvre leurs forces.
- Niveaux d’énergie fluctuants et périodes d’humeur élevée (manie) et de dépression pouvant affecter les performances professionnelles et les interactions. Donnez-leur donc l’espace nécessaire pour assurer un bon équilibre travail-vie personnelle.
- Surstimulation sensorielle : se sentir submergé par trop de bruit, de lumière ou d’activité, ce qui peut affecter la concentration et la productivité. Proposer des ajustements du lieu de travail peut aider.
- Auto-reproche et pensée négative : lutter contre les sentiments de culpabilité, le doute de soi et les pensées négatives persistantes. Valoriser et reconnaître le collaborateur pour son travail et lui permettre d’utiliser ses talents peut aider à améliorer sa confiance en soi.
- Pensée rapide : leur vitesse de pensée pendant les phases de pic peut causer de la frustration ou de l’irritation chez les collègues qui ne peuvent pas suivre le rythme. Travailler en étroite collaboration avec les collègues peut les aider à ralentir et à être moins impulsifs dans leur prise de décision.
- Remise en question de la norme standard : il y a une tendance à questionner et dépasser les limites traditionnelles, ce qui peut entraîner des conflits dans un environnement de travail rigide. D’un autre côté, cela aide à briser le statu quo et à créer une culture d’inclusion.
- Faible sensibilité à la pression de groupe : cela peut conduire à l’isolement ou au conflit si ce n’est pas géré avec compréhension et soutien. Il est essentiel de travailler continuellement sur la dynamique d’équipe et de s’assurer que chacun se sente connecté et à sa place.
- Ces défis varient cependant fortement d’un individu à l’autre, et tout le monde n’expérimentera pas de limitations affectant significativement son travail.
Soutenir les collaborateurs atteints de bipolarité : stratégies pour l’inclusion
Offrir un lieu de travail favorable peut améliorer considérablement la productivité et le bien-être. Et leur permettre d’être eux-mêmes et de s’épanouir pleinement. Cela comprend plusieurs stratégies cruciales :
- Assurez un environnement de travail psychologiquement sûr. Appliquez une politique de tolérance zéro envers les préjugés, la discrimination (in)directe et le langage non inclusif.
- En tant que manager, donnez le bon exemple : parlez ouvertement de neurodiversité et de bipolarité. Et donnez de la reconnaissance pour les petites comme les grandes réalisations.
- Fournissez à l’équipe et à l’organisation de la littérature et des formations sur la neurodiversité, afin que chacun comprenne mieux le sujet.
- Assurez-vous que les managers et l’équipe reçoivent l’accompagnement adéquat concernant la neurodiversité au travail.
- Communiquez de manière claire, ouverte et transparente. Ne laissez pas les incompréhensions et les frictions s’amplifier, mais abordez-les immédiatement avec l’équipe.
- Faites des check-ins réguliers, de préférence chaque semaine, pendant cinq à quinze minutes. Cela vous permet d’intervenir plus rapidement.
- Reconnaissez les forces du collaborateur atteint de bipolarité et utilisez-les judicieusement. Pour les créatifs, assurez-vous qu’ils aient un exutoire créatif.
- Donnez au collaborateur atteint de bipolarité la flexibilité et l’espace nécessaires pour organiser son travail comme il le souhaite ou l’estime nécessaire. Et encouragez un bon équilibre travail-vie privée et la routine pour créer de la stabilité.
- Proposez des ajustements raisonnables qui réduisent les défis individuels ou éliminent les barrières systémiques, tels que :
- horaires flexibles, travail auto-dirigé, télétravail, travail à temps partiel,
- la possibilité de se promener ou de méditer pendant le travail, la possibilité de prendre des pauses régulières (surtout lorsque le niveau de stress augmente),
- casques anti-bruit (’noise-cancelling’),
- travailler par petites étapes, se concentrer sur un projet à la fois, décider de travailler seul ou collaborer avec des collègues, autonomie, ‘job crafting’, etc.
- Avoir des collègues et dirigeants compréhensifs et compatissants les aide à s’épanouir, à se sentir bienvenus, acceptés et valorisés, et à l’aise au travail. Prévoyez un buddy qui aide le collaborateur atteint de bipolarité avec des défis comme sentir ses propres limites.
- Assurez-vous que les attentes et les tâches soient claires et non irréalistes.
- Adoptez une approche individuelle car chaque collaborateur atteint de bipolarité est unique et a des talents et des défis uniques.
Construire un avenir neuro-inclusif
En résumé, reconnaître et exploiter les forces uniques des collaborateurs atteints de bipolarité n’est pas seulement bénéfique pour eux individuellement, mais enrichit l’ensemble de l’écosystème organisationnel. En mettant en œuvre des mesures de soutien et en favorisant une culture inclusive, les entreprises peuvent libérer le plein potentiel de leur personnel neurodivers, ce qui conduit à une amélioration de l’innovation, de la productivité, ainsi qu’à une meilleure rétention et un meilleur bien-être.
Construisons ensemble un lieu de travail neuro-inclusif, où chaque individu a la possibilité de s’épanouir.
Daphné De Troch a appris à créer un environnement de travail avec la sécurité psychologique présente et à diriger une équipe de personnes neurodivergentes après avoir reçu un diagnostic de TDAH et d’autisme. Elle a créé Bjièn avec Dietrich pour aider d’autres responsables et équipes à se sensibiliser à la neurodiversité et à faire en sorte que leur lieu de travail soit neuroinclusif. — Plus sur Daphné